Two short pieces from A Woman’s Voice in the Fray
Written by Marcelle Capy
Translated by Clay Somes
A Country of Death
Why these macabre scenes that depict with satisfaction certain writers who have had the privilege of roaming, curious, the battlefield, after the action? Why pester the dead until they rest? Why this joy before their corpses? Why describe so complacently the tragic end of so many young men? Why insult the enemy who lies bleeding on the earth gouged by shells? Why search the mounds of frozen bodies and show sinister gaiety in counting those chance has made your enemies?
One hundred thousand Germans have perished, you say. And you laugh… thousands of French have fallen as well. You sing their premature end with great words and grand gestures.
And yet you don’t shed a single tear for so much lost hope and strength…
Enough!
They lie pell-mell, bullet-ridden chests or crushed skulls. Death has reconciled each soldier with their enemies. And as nature takes back its rights, and enemies of yesterday’s corpses rot the same as each today, they mingle themselves with her regardless of past lives.
They were twenty years old. They loved. They wanted to live.
Machine guns mowed them down. Their last breath escaped between their half-closed lips.
Maybe they were beautiful; now their hideous remains befoul the air.
Leave them be. All our pity goes out to them, whichever they are.
Do not circle over them like carrion, hanging so close as the rot creeps into their corpses. Cease your hateful cries and pompous speech. Fame cannot be found in the size of these shrouds, gore crow.
To those who do not wield a gun, there remain wounds for your hands to heal. There are profound miseries to remedy, cruel sorrows to console. Love the weak, the young, the suffering. Save the living.
And release to the dead the peace of the earth.
The Death of a Precursor: Léon Bonneff
One is missing, the other recently succumbed to his wounds. Their twin signature was well known to all who opened their hearts and minds to understanding the great power and modern miseries: labor. In works and articles of the highest order, grouped under the titles The Tragic Life of Workers – The Killing Trades – The Working Class, Leon and Maurice Bonneff revealed the horrors of the factory, the workshops, the construction sites where they created, in pain, all those indispensable products.
It’s not just the facts and figures that they gave, the portrait they painted; these brothers brought forth the swarm of life, the sobs of misery, the supreme hope of the working class. And it is because one great current of love and justice animated these epic visions of blast furnaces, mines, and mills – these evocations of labor of mothers, isolated women, and the children, martyrs of the backroom or basement – that the pages of the Bonneff Brothers will remain as a damning testimony of serf-work in the age of the machine.
They were the first to hear and comprehend the lament rising from the industrial cities; they were the first to see the masculine beauty of the effort and torture wage-earners suffer. They have, one by one, uncovered the wounds from which the people suffer and scream great cries. They listened to each victim, the sick and the mutilated. They unraveled the ravages of tuberculosis, the grim reaper of the Northern, urban masses. They revealed the despair of this crowd, who rush to the cabaret to buy a bit of self-illusion. Their work is an immense fresco to the glory of labor, and to the shame of those who exploit it. They will remain as precursors of a new direction.
One can only speculate on the brother Maurice Bonneff, of whom there has been no news for months. His brother Leon, struck on the field of battle, was pronounced dead at the Hospital of Toul.
And now, when the nightmare of war has added to the tragedy of industry, one feels the value of such intelligence and heart even more. With sorrow, yet admiration, we salute his remains. The author is no more, but his writing will remain, a history of cursed labor.
The wounds of society bleed in these pages, and it is up to the workers to heal themselves. In spite of the war, a new humanity forms itself and it is with great hope, all the same, that we bid a brotherly farewell to the soldier killed by the enemy.
L’originale
PAIX AUX MORTS
Pourquoi ces macabres tableaux que dépeignent avec satisfaction certains littérateurs qui eurent le privilège de parcourir, en curieux, le champ de bataille, après l’action ? Pourquoi poursuivre les morts jusque dans leur repos ? Pourquoi eette joie devant les cadavres ? Pourquoi décrire complaisamment la fin tragique detant de jeunes hommes ? Pourquoi insulter l’ennemi qui git sanglant sur la terre ravinée par les obus ? Pourquoi fouiller les monceaux de corps glacés et manifester une gaieté sinistre en dénombrant ceux que le hasard fit vos adversaires ?
Cent mille Allemands ont péri, dites-vous. Et vous riez… Des milliers de Français sont tombés également. Vous chantez leur fin prématurée avec de grands mots et de grands gestes.
Et vous n’avez même pas une larme pour tant d’espoir et de force perdus…
Taisez-vous !
*
Ils gisent pêle-mêle, la poitrine trouée ou la tête écrasée. La mort les a réconciliés. La nature reprend ses droits et ils se mêleront à elle les uns et les autres, ennemis hier, cadavres pareillement corrompus aujourd’hui.
Ils avaient vingt ans. Ils aimaient. Ils voulaient vivre.
La mitraille les a fauchés. Leur dernier souffle s’est enfui entre leurs lèvres mi-closes.
Ils étaient peut-être beaux et leurs restes hideux empuantissent l’atmosphère.
Laissez-les. Toute notre pitié va vers eux, quels qu’ils soient.
N’allez pas rôder comme des corbeaux auprès des corps que la pourriture guette. Cessez vos cris de haine et vos discours pompeux. La renommée ne se taille pas dans les linceuls.
*
A qui ne porte pas le fusil, il reste des mains pour soigner les plaies. Il reste à secourir les profondes misères, à consoler les cruelles douleurs. Aimez les faibles, les petits, les souffrants. Sauvez les vivants. Et laissez aux morts la paix de la terre.
LA MORT D’UN PRECURSEUR : LÉON BONNEFF
L’un a disparu, l’autre vient de succomber à ses blessures. Leur signature jumelle était bien connue de tous ceux qui ont ouvert leur esprit et leur cœur à la compréhension de la grande puissance et de la grande puissance et de la grande douleur modernes : le travail. Dans des œuvres et articles de premier ordre groupés sous les titres : La Vie tragique des travailleurs — Les Métiers qui tuent — La Classe ouvrière, Leon et Maurice Bonneff avaient dévoilé les horreurs de l’usine, de l’atelier, du chantier où se créent dans la peine toutes les productions indispensables.
Ce ne sont pas seulement des chiffres et des faits qu’ils ont donnés, ce ne sont pas seulement des tableaux qu’ils ont brossés, ils ont apporté aussi le grouillement de la vie, le sanglot de la misère, le suprême espoir de la foule ouvrière. Et c’est parce qu’un grand courant d’amour et de justice animait ces visions épiques de hauts-fourneaux, de mines, de filatures ; ces évocations de l’ingrat et douloureux labeur des mères et femmes isolées, des petits, martyrs de l’arrière-boutique ou du sous-sol, que les pages des frères Bonneff resteront comme un accablant témoignage du travail-serf au siècle de la machine.
Ils ont été les premiers à entendre et à comprendre la plainte qui montait des cités industrielles ; ils ont été les premiers à voir la mâle beauté de l’effort et la torture de, l’homme à salaire. Ils ont, une à une, dévoilé les plaies dont le peuple souffre et dont il appelle guérison à grands cris. Ils se sont penchés sur les mutilés, les malades, toutes les victimes. Ils ont dévoilé les ravages de la tuberculose macabre visiteuse des agglomérations ouvrières du Nord. Ils ont fait apparaitre le désespoir de cette foule qui se rue au cabaret, pour acheter un peu d’illusion. Leur ouvre est une immense fresque à la gloire du travail, à la honte de ceux qui l’exploitent. Ils resteront comme les précurseurs d’une orientation nouvelle.
On se perd actuellement en conjectures sur le sort de Maurice Bonneff, dont on est sans nouvelles depuis des mois. Son frère Léon, frappe sur le champ de bataille, s’est éteint à l’hôpital de Toul.
A cette heure, où le cauchemar de la guerre s’est ajouté à la tragédie du travail, on sent encore davantage la valeur d’une telle intelligence et d’un tel cœur. C’est avec douleur, en même temps qu’avec admiration, que nous saluons sa dépouille. L’auteur n’est plus, l’écrit restera, histoire du travail maudit.
La blessure de la société saigne dans ces pages, aux travailleurs eux-mêmes de la panser. En dépit de la guerre, une nouvelle humanité se forme et c’est avec grande espérance, quand même, que nous adressons au soldat tue à l’ennemi notre fraternel adieu.