Lettre du soldat Léon Hugon

Written by Léon Hugon

Translated by Jamie Fesinstine

Wounded by shrapnel during the first battle of the Marne on September 9, 1914, Léon Hugon was sent to the hospital at Tulle, where he died of tetanus on September 22, 1914, the day of his wife’s 25th birthday, Sylvanie, who was left alone with a small boy of two and a half years old. The same day, Alain-Fournier died in an ambush in the small woods of Saint-Remy-la-Calonne.

Tulle, September 18, 1914

My dear Sylvanie,

I cannot help but tell you that I’m in a very bad spot, I’m in agony, I was right to say to you before I left that it would be better to be dead than wounded, at least wounded like me.

My whole leg is full of shrapnel and the bone is fractured. Every day when they bandage me, I suffer, while they take out pieces of bone or iron with tongs.

Good God, how I suffer! After that’s all finished, they give me a little sweet Malaga wine, but I would rather not drink it at all.

I don’t know when they’ll do the operation. I can’t wait for it to be done one way or the other.

On top of that, I’m sick; yesterday my system was cleaned out. That didn’t do anything, and they had to give me an enema. They’re supposed to give me another tonight, I don’t know if they’ll remember or not, maybe that would do me good.

Anyway, I’m so uncomfortable, I can’t move, I can barely reach up for my broth on my bedside table. I assure you that it’s sad in my room. There are 29 of us, no one can move, broken legs and arms and major injuries and almost all of them are reservists like me.

I swear to you that I have horrible nights, if they had evacuated me to Agen, you surely would’ve come to take care of me, and I would’ve been happy to be close to you. And you too, my dear Sylvanie, it would’ve been sad and happy, not like if I hadn’t been injured; but what can we do, this is my destiny. Now, I’m in a tight spot, and to get out, I don’t know how it will end.

Well, my dear Sylvanie, I’ll tell you right now, I didn’t want to tell you right away so that I wouldn’t worry you, but I see that I have to send you word of my situation now.

Don’t worry yourself sick, I don’t because I’m not alone, live in hope and if I ever return, I’ll see my son grow up, and I’ll train him to work Vinsot’s property and they’ll surely pay me a good pension.

I think that I’ve earned it, and even though I wouldn’t be able to work much, it would help us survive.

It still wouldn’t be too bad, and Gaston would start to work. There are plenty of people who work who have just one leg.

You have to hope that all this will happen. Pray to God for me, that he release me from my suffering.

I send all my love and kisses to you and to little Gaston.

Your dear friend,

Léon Hugon

L’originale

Blessé le 9 septembre 1914 par un éclat d’obus, pendant la première bataille de La Marne, Léon Hugon fut envoyé à l’hôpital de Tulle ou il mourut du tétanos le 22 septembre 1914, le jour de l’anniversaire des vingt-cinq ans de sa femme Sylvanie, qui restait seule avec un petit garçon de deux ans et demi. Le même jour, Alain-Fournier mourut dans une embuscade dans le petit bois de Saint-Remy-la-Calonne.

Tulles, le 18 septembre 1914

Bien chère Sylvanie,

Je ne peux pas m’empêcher de te dire que je suis dans une très mauvaise position, je souffre le martyre, j’avais bien raison de te dire avant de partir qu’il valait mieux être mort que d’être blessé, au   moins blessé comme moi.

Toute la jambe est pleine d’éclats d’obus et I’os est fracturé.

Tous les jours quand on me panse, je suis martyr, lorsque avec des pinces, il m’enlevé des morceaux d’os ou des morceaux de fer.

Bon Dieu, que je souffre ! Après que c’est fini, on me donne bien un peu de malaga, mais j’aimerais mieux ne pas en boire.

Je ne sais pas quand est-ce qu’on me fera l’opération.

II me tarde bien de quitter et qu’on en finisse d’un côté ou de l’autre.

En plus de ça, je suis malade ; hier, je me suis purge, ça n’a rien fait, il a fallu qu’on me donne un lavement. On doit m’en donner un autre ce soir, je ne sais pas si on l’oubliera pas, peut-être ça me fera du bien.

Enfin, je suis bien mal à mon aise, pas pouvoir se bouger, j’ai -de la peine à prendre le bouillon sur ma table de nuit. Je t’assure que c’est triste dans ma chambre, nous sommes vingt-neuf, personne ne peut se bouger, des jambes cassées et des bras ou de fortes blessures et presque tous des réservistes comme moi.

Je te dirai que je passe des mauvaises nuits, si l’on m’avait évacué jusqu’à Agen, tu serais bien venue me soigner et je serais été content d’être auprès de toi. Et toi aussi, ma chère Sylvanie, de me voir, ça serait été triste et une joie, pas comme si je n’avais pas été blessé ; mais que faire, c’est ma destine. Maintenant, je suis dans le pétrin et pour s’en sortir, je ne sais pas trop comment ça finira.

Enfin, ma chère Sylvanie, je te dis tout maintenant, j’ai pas voulu te le dire à la première pour ne pas te vexer, mais je vois que je suis obligé de t’aviser de ma situation.

Ne te fais pas de mauvais sang, je m’en fais pas parce que je suis pas seul, vis en espoir et si jamais je reviens, je verrai mon fils grandir, que je le dresserai pour travailler le bien de Vinsot et moi on me fera bien une pension.

Je crois que je la gagne, quand bien même que je ne pour­ rais pas trop travailler, ça nous aiderait pour vivre.

On ne serait pas encore trop malheureux et Gaston com­mencerait de travailler. Il y e a bien qui n’ont qu’une jambe et qui travaillent.

Il faut espérer que tout ce que je dis là arrive. Prie Dieu pour moi, qu’il me délivre de la souffrance.

Je t’embrasse bien fort sur chaque joue avec Gaston le petit.

Ton cher ami

HUGON Léon