Refugees

From A Woman in the Fray

Written by Marcelle Capy

Translated by Khandi Garraway

After moving for thirty hours, the train stops in the concourse of the station. The travelers leave the train cars as parcels pile up in mountains on the platform, which soon offers a most colorful sight.

Seated on their suitcases, on carts or even on the floor, whole families wait for daybreak to venture off into the city. Some are sleeping, despite the chilly morning and the hardness of their poorly thrown-together beds. Waiting rooms are overcrowded with people resting. Small children are dozing on the laps of exhausted women with beaten eyes that make spots of shadows on their pale face. In a corner, lying on the ground are Spanish emigrants who had to leave their country because of poverty as well as the war pushing them away from the section of land where they had rebuilt their lives. They are there as miserable as the day they traveled from exile. The luggage of these poor refugees is spread out on the ground and starving ragamuffins stand motionlessly staring with big, curious eyes at the station they are there without understanding why.

A tightly packed group scrambles around a sink. From several faucets water trickles into a marble basin. Women, men, and children come to wash their face. Some are using towels, others are using handkerchiefs, and still others are simply washing with their hands. They splash around in the basin and the pleasure is great to feel the cool touch of water on their feverish skin. This lasts for hours and then the sky turns pale, a little light penetrates from the concourse of the station, and within minutes the platform is empty. The refugees will ask for hospitality.

*

*  *

In the afternoon, on a street corner.

People are gathered. In the middle of the group, there is a woman holding a child in her arms, a scrawny man, and three other pale ragamuffins. The crowd listens to them, touched. Women have tears in their eyes.

The poor family comes from the East. After more than fifty hours on the train, they ended up here, without a penny. They weren’t able to save anything in all of the turmoil. It is total distress. Good-willed people offer to help. Some are going to take in the unfortunate refugees. Others are going to try to find jobs for them in unskilled labor.

It’s touching, it’s simple.

*

*  *

We were optimistic. We were counting on one month of war. The German army was dwindling down as they reached Liège, the forts of Namur were declared undefeatable, the French were entering Mulhouse, and the Cossack cavalries were marching towards Berlin to the gallop of their fast horses. Official “unchanged” communications gave us peaceful nights and hopeful mornings.

One evening, I was returning to my home, when I heard someone call my name. It was the baker’s wife, – a nice woman who sometimes told me with envy: “You’re the journalist, you need to know what’s happening!”

She told me:

—    The Germans are in Lille! My brother-in-law just came from there! Come…

I followed her. We entered the back of the shop. A graying man was there, slumped on a chair.

In choppy words he told me his odyssey.

He was established in Lille for years. Widowed and without children, he did good business. The war had come. They were talking about victories. Then, the German uhlan regiment had arrived.

He didn’t know what he had done. He had run, crossed fields, jumped ditches, climbed over fences… A train station, a train… and Paris. He had lost everything. He had not taken any precious objects nor memories. But what was he holding in his hands with loving care?

He spread his fingers and I saw, delicate and small, a goldfinch.

—    This is all that I saved, he told me.

Since Lille, he had been carrying his pet bird, devotedly, in his hands.

He had carried into exile the song from his home.

L’originale

REFUGIÉS

Après trente heures de marche, le train stoppe sous l’immense hall de la gare. Les voyageurs abandonnent les wagons et des montagnes de colis s’amoncellent sur le quai, qui offre bientôt le plus pittoresque des spectacles.

Assis sur leurs valises, sur des chariots on à même le sol, des familles entières attendent que le jour pointe pour s’aventurer dans la ville. Les uns dorment malgré la fraicheur matinale et la dureté de leur couche de fortune. Les salles d’attente sont bondées de dormeurs. De petits enfants sommeillent sur les genoux de femmes harassées dont les yeux battus font des taches d’ombre dans le visage pâIi. Dans un coin, couchés à terre, des Espagnols, émigrants qui durent par misère abandonner leur pays et que la guerre a chassés du coin de terre ou’ ils avaient refait leur vie. Ils sont là aussi miséreux qu’au jour de leur voyage d’exil. Leurs bagages de pauvres gisent sur la chaussée et des mioches faméliques se tiennent immobiles contemplant avec de grands yeux curieux cette gare où ils se trouvent sans comprendre pourquoi.

Un groupe compact s’empresse autour d’un lavabo. De plusieurs robinets l’eau ruisselle dans un bassin de marbre. Des femmes, des hommes, des enfants viennent se rafraichir le visage. D’aucuns se servent de serviettes, d’autres de leur mouchoir, d’autres enfin se la vent tout simplement avec les mains. On barbote dans le bassin et le plaisir est grand de sentir la caresse fraiche de l’eau sur la peau fiévreuse. Cela dure des heures, puis le ciel pâlit, un peu de lumière pénètre sous le hall, et en quelques minutes le quai se vide. Les refugies vont demander hospitalité.

*

*  *

Dans l’après-midi, un coin de rue.

Des gens sont assemblés. Au centre du groupe, une femme tenant un enfant sur les bras, un homme hâve et trois autres mioches pâlots. La foule les écoute, attendrie. Des femmes ont les larmes aux yeux.

La pauvre famille arrive de l’Est. Après plus de cinquante heures de chemin de fer, elle a échoué ici, sans un sou. Rien n’a pu être sauve de la tourmente. C’est la détresse totale. Des bonnes volontés s’offrent. Certains vont s’occuper d’héberger les malheureux. D’autres vont essayer de trouver du travail à l’ouvrier.

C’est touchant, c’est simple.

*

*  *

On était optimiste. On comptait sur un mois de guerre. L’armée allemande se brisait devant Liége, les forts de Namur étaient déclarés imprenables, les Français entraient à Mulhouse et les cavaliers cosaques, marchaient sur Berlin au galop de leurs chevaux rapides. Les communiqués officiels « inchangés » donnaient des nuits paisibles et des matins d’espérance.

Un soir, je regagnais mon logis, lorsque j’entendis quelqu’un m’appeler. C’était la boulangère, —une brave femme qui nie disait parfois avec envie : « Vous qui êtes dans les journaux, vous devez en savoir, des nouvelles ! »

Elle me dit :

    Les Allemands sont à Lille ! Mon beau-frère en vient ! Venez…

Je la suivis. Nous entrâmes dans l’arrière-boutique. Un homme grisonnant était là, affalé sur une chaise.

A mots haches il me conta son odyssée.

Il était établi à Lille depuis des années. Veuf et sans enfants, il faisait de bonnes affaires. La guerre était venue. On parlait de victoires. Puis, les uhlans étaient arrivés.

Il ne savait plus ce qu’il avait fait. Il avait couru, traversé des champs, sauté des fossés, enjambé des barrières… Une gare, un train… et Paris. II avait tout perdu. Il n’avait pris ni objet précieux ni souvenirs. Mais que tenait-il entre ses paumes avec un soin pieux ?

Il écarta les doigts et je vis, délicat et menu, un chardonneret.

— C’est tout ce que j’ai sauvé, me dit-il.

Depuis Lille, il portait l’oiseau familier, dévotement, entre ses mains.

Il emportait dans l’exil la chanson de son foyer.